Depuis quelques années, je suis de plus en plus émotive. Ce n’est
pas que j’avais un cœur de pierre avant ! Oh non ! mais je camouflais
au maximum, je retenais mes sanglots jusqu’à ce que ma gorge me brûle
littéralement et que mes yeux se soient remplis de larmes… quand il y
en avait trop, elles coulaient sur mes joues et j’essayais tant bien
que mal de les essuyer discretos, de renifler genre je suis enrhumée,
et de m’éclipser au plus vite loin de tous les regards. C’est comme ça
que je me suis retrouvée à fuir la famille un soir de Noël devant un
film kitch à la télé, ou que j’ai finit "L’écume des jours" de mon
amour Boris aux toilettes, alors que c’était une soirée bien tranquille
où toute la famille bouquinait sur les canapés… P***** ! finir du Boris
aux toilettes ?? faut le faire !!
Depuis quelques années (surtout depuis que j’ai quitté le cocon
familial), je laisse les émotions me submerger et m’emporter. Sans trop
luter. Je me laisse donc pleurer devant un film cul-cul d’amour
superficiel ou du Almodovar, un reportage sur la famine dans le monde
ou l’administration Bush, une chanson, un livre, une discussion à cœur
ouvert avec mon chéri ou une amie… Même plus peur d’être vu dans cette
état de soi-disant faiblesse. Je me mets à nu et j’assume. Oui, c’est
moi. Ce sont mes sentiments. Ma vie et mon ressenti. Mes souffrances et
mes douleurs. Mes espoirs et mes déceptions. Mes révoltes…
Je crois que je me rappellerai toujours du jour où le barrage qui me
permettait d’emmagasiner mes émotions a lâché sous la pression…
Une période particulièrement stressante dans mes études. Beaucoup
d’espoirs mais beaucoup d’angoisses aussi. Peur de l’échec, peur de
décevoir… C’était aussi après une période de questionnement sur ce que
je voulais dans la vie, sur ma relation avec chéri… idem : peurs,
doutes… Je pensais tenir le choc, gérer les vagues. Mais en fait, la
tempête me frappait de plein fouet et j’arrivais à peine à garder la
tête hors de l’eau… un soir, on va au ciné avec chéri. Le film? "Eros".
Un film composé de 3 moyens métrages sur l’érotisme. Le premier,
d’Antonioni, est intéressant mais sans plus. Enfin, un peu déplaisant,
en fait : il me donne l’impression d’être réduite à une position
voyeuriste… Le second, de Soderbergh, passe légèrement, pas assez
réaliste pour me perturber. Puis vient le dernier, de Wong Kar-Wai. A
l’époque, je n’avais pas vu "In the mood for love". Je ne connaissais
rien de l’univers de ce grand cinéaste. Et j’ai été percutée de plein
fouet par son œuvre. Une beauté, une esthétique, une délicatesse, une
nostalgie sans limite. Je ne savais pas comment encaisser autant de
beauté et de profondeur. Autant de sincérité et de réalisme. Autant de
poésie… Une sensation bizarre s’est emparée de moi. Une sorte de
spleen. De douleur intense dans le ventre. Je souffrais littéralement.
Je vivais ce que j’avais face à moi. Une histoire si vraie et si
sincère qui ne pouvait que se terminer de façon dramatique. Pendant
tout le film, j’aime en secret, je souffre, j’attends, j’espère autant
que les personnages. Je suis ces personnages. Et les larmes coulent. Je
ne peux les retenir. J’ai même du mal à respirer tellement ce que je
ressens est beau et triste à la fois. Je relâche toute la pression. Je
laisse aller mes émotions. De toute façon, je ne peux pas luter. Je
suis à la merci de mes sentiments…
Quand le film se termine, j’ai eu besoin d’un bon quart d’heure pour
réussir à contenir mes larmes, à retrouver une respiration plus calme,
à pouvoir tenir sur mes jambes… Chéri a attendu, patiemment, à côté de
moi, avec des gestes tendres qui me brûlais le corps… C’était une
expérience incroyable ! depuis, je ne peux plus et ne veux plus garder
mes émotions à l’intérieur. J’ai besoin que ça sorte !
En discutant avec un ami qui avait réagit de façon similaire à un autre
film du réalisateur, je me rends compte qu’il y a peut-être un effet
Wong Kar-Wai… Je me suis donc jetée sur "In the mood for love". Même
effet! Pur moment de Bonheur… Je vis et souffre ce que je vois.
L’histoire me touche au plus profond de moi. La musique m’emporte… et
je laisse l’émotion prendre le dessus, sans luter… de nouveau…
Ce qui est incroyable, c’est que le spleen qui m’envahit, cette douce
souffrance qui me paralyse… et bien je les apprécie. J’aime les
ressentir. Je me sens vivante. et heureuse, d’une certaines façon…
En tous cas, le barrage qui me contenait a lâché et je ne veux pas le reconstruire !
Voilà comment je suis devenue l’épice-pleureuse ;)